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Sidaction... ou Stefan Zweig ?

#Sidaction2017
Collecter pour le Sidaction, c’est quelque chose… Si le mesquin de la semaine vous a pris la tête (il se reconnaîtra), si les imbus vous gargarisent, si l’épouvantail de la sinistrose française vous mine, et si la "peste par excellence du nationalisme", comme l'écrit Stefan Zweig, gangrène vos échanges, je vous le recommande !
Le plus dur, c’est de bouger son cul. D’y aller. Surtout quand le matin gris, la pluie, le froid, confortent l’envie furieuse de se claquemurer munie d’un Zweig encore inconnu.
Je reconnais, dès 8 heures, la question est : pourquoi m'être inscrite sur le doodle de l’AJMS ? Déjà je regrette. Je ne voudrais pas sortir, mais trainailler en mauvaise robe de chambre, rêvasser de lenteur…

Les médias, réseaux sociaux et consorts me rappellent que le Sidaction a commencé… Je vais y aller, je le sais. Ne pas laisser tomber les bénévoles de l’AJMS, ceux du Refuge, Arc-en-ciel, Jules et Julies, Pride Toulouse… (J’en oublie. Ne m’en veuillez pas les amiEs). C’est fatigant la loyauté en fait. Tu imagines des scénarios légitimes de non présence, puis tu culpabilises à l'idée de ton absence. Et tu sais que tu iras. Parce que tu l’as dit. Parce qu'ils t’attendent. Et surtout parce que c'est le Sidaction2017. Météo ou pas. Envie de lire ou non.

Petit conseil, à partager sans modération
Quand ma démotivation grignote ma volonté, j’utilise une technique désormais bien rôdé : ne pas réfléchir. J'exécute et verrai plus tard pour les sentiments et autres cogitations... mais je fais, cerveau bloqué, sauf pour les mains et les pieds.
Douche, fringues faciles, chaussures confortables, sacoche bandoulière. Y aller. Point. Ne pas cogiter, tortiller du moral. Faut arrêter les états d'âme !

Voiture. Ticket. Métro. L’Association de la Journée Mondiale de lutte contre le Sida campe sur l'esplanade François Mitterrand. Les autres assos solidaires sont là. Je vois le chapiteau, le stand, l’agitation de fourmis des bénévoles. Je croise Magali, bénévole au Refuge Haute-Garonne, elle m’attend.
Et là c’est l’évidence. Je suis heureuse d’être avec mes amis, copines, potes,... les bénévoles, toutes assos confondues, qui participent à la collecte pour le Sidaction. Il y a Coco, Baptiste, Julien, Patrick,...  Joyeux de nos retrouvailles, on s’embrasse, partage un café, une part de gâteau. Il y a les jeunes services civiques d’Unis-cités, timides et impressionnés. Il y a de frais bénévoles qui n’ont jamais quémandé officiellement sur la voie publique et attendent les consignes. Le soleil nous éclaire enfin. Ma bonne humeur s'anime.

Sidaction à Toulouse
Les équipes sont désignées. Je ne décide pas qui m’accompagnera. C’est le jeu. Nous serons donc trois filles, deux Unis-cités et moi, fringuées du tee-shirts Sidaction, et munies des tirelires, de la poche remplie de préservatifs et du ruban rouge. En route ! Place du Capitole jusqu'au quai Saint-Pierre. Rue pargaminières. Rue des blanchers. Rue des lois. Rue Gambetta...
- On commence par quelle rue ? Vous connaissez Toulouse ?
C'est l’aventure. La vadrouille. Le soleil printanier. Les petites jeunes me précèdent, mini clopes au bec, manière de se donner une contenance.
- Et sinon, on dit quoi aux gens que l’on aborde ?
- Bonne question ma belle. On pond des phrases courtes, on sourit, on dit “Bonjour, c'est pour le Sidaction”! Regarde moi...
Première tentative. Premier échec. Premières rigolades. Allez, on continue. Faut pas réfléchir , je vous dis (je leur donne mon astuce). Go !

Durant deux heures, nous croiserons :
Les pressés.
Les nonchalants : "Non merci".
Les verrouillés du contact : pas un sourire, pas un mot.
Ceux qui fuient notre regard.
Celui qui nous contourne comme si nous étions pestiférées.
Celle qui lance : "Désolée" et presse le pas. (Désolée mais de quoi ?murmure la jeune Léa)
Ceux qui baissent le nez, vaguement honteux.
Les touristes qui ne pigent rien.
Celui qui fait mine de ne pas comprendre le français, ni notre anglais baragouiné...
Le petit vieux qui énumère tous ses dons octroyés.
Le baroudeur de rue, bière à la main, qui s’accroche à la discussion, veut mon numéro de téléphone et une semaine de stage dans une association.
La vieille dame qui s'arrête pour nous donner la pièce contre l’avis taciturne du mari.
Le jeune papa à l’enfant qui donne un billet de cinq euros (joie !).
Des anciens, tout gênés, quand nous leur proposons un préservatif.
La dame qui s'exclame "Ah mais ce n’est plus pour moi" comme si le VIH ne touchait que des jeunes homos ou trans et surtout pas des hétéros mariés depuis 30 ans…
Ceux qui n’ont que des billets : "On prend aussi monsieur..., même les chèques !" (Rires partagés).
Celui qui me poursuit pour donner quelque chose, absolument.
Ceux qui ont déjà donné (Nous râlons contre les collègues bénévoles passés juste avant nous).
Les amoureux qui s’embrassent. Poursuivons notre chemin...
Les vitrines : "T’as vu cette jolie robe ?" La collecte, un moment oubliée, nous léchons quelques vitrines.
Le bénévole de l’association Contact qui se rappelle à mon bon souvenir et tient à participer à la collecte.


Le Sidaction avec les services civiques Unis-cités et Corinne Lakhdari, présidente de l'AJMS Toulouse
14 heures et des poussières. Les filles se lassent de marcher. Je décrète le temps de pause et de clopes.
Place Saint-Pierre sur les chaises vissées au sol, nous savourons le soleil. Les toulousains sont enfermés à manger, faire la sieste ou s'embrasser sur les berges de la Garonne... ils se font de plus en plus rare. Nous repartons à la recherche du donateur généreux. C'est notre arlésienne à nous, notre mini rêve du jour.
Au fil de nos déambulations, nos tirelires ont le joli bruit des centimes collectés. La flânerie est chaleureuse. Certains donnent sans rechigner. Un monsieur à grosses lunettes, le nez dans son porte-monnaie, ne trouve qu'un jeton pour laver les voitures et s’en désole. Des dames en pause réunion sur le trottoir s’excusent par de beaux sourires. Il fait si doux.
Il est l'heure de retrouver le stand de l’AJMS. Derniers baroud pour le fun. La rue est à nous, aucun passant n'échappera à notre sébile secouée sous leur nez. Allez les filles, on se motive !
J'ai faim. Nous passons devant le vendeur de pralines. Pourquoi tout le monde mange des sandwichs et pas nous ?
- Bonjour c'est pour le Sidaction ? Merci madame.


Stand Sidaction Toulouse
15h10. Décemment, nous pouvons rentrer. C’est le grand retour. La place Wilson bruisse de ses touristes. On ne les calcule même pas. Ils ne donnent rien ceux-là. Jamais.
Devant le stand, un mec s'approche doucement. Il piétine, à cheval sur son vélo. Il me regarde, tend le cou puis murmure.
- C’est où le dépistage ? C’est ici ?
Un pote le suit. Lui aussi chevauche une vieille bicyclette. Ils sont venus exprès. Inquiets, timides mais déterminés à obtenir une réponse. Je vais chercher Corinne. Coco y’a des mecs qui veulent un dépistage ! Ils m’ont transmis leur angoisse. Ils sont paumés, black, sans pognon, sans info. Corinne leur explique, leur tend une brochure des lieux où se faire dépister.
- Non, non, on ne fait pas… c'est pas ici.
Comprennent-ils ? Connaissent-ils vraiment Toulouse ? Mon cœur se serre à voir leur intranquillité.

Autour du stand l'effervescence est à son maximum. C'est l'heure de pointe. Les équipes déposent leurs tirelires remplies. De nouveaux groupes s’apprêtent à se déployer dans les rues. Chacun se compare, engouffre les gâteaux proposés, sirote le café encore chaud. Nous sommes crevés d’avoir arpenté.
- T’as eu du monde ?
- Bof, pas trop. L'année dernière, les gens étaient plus généreux...
- On se prend en photo les filles ? Coco, viens avec nous !

Les services civiques d’Unis-Cités se regroupent, évoquent leur périple respectif. Je suis fatiguée. Il est temps pour moi de partir. 
- Tu ne restes pas avec nous Marie-Claude ?

Faut vraiment que je rentre. Au revoir la troupe, à bientôt ! Ils ne m’entendent déjà plus. Affairés, joyeux, concentrés. C'est bien ainsi.

Avant de prendre le métro du retour, j'ai une dernière envie. Allez, ma vieille, marche encore ! Sans la tirelire en main mais avec le chouette ruban rouge au revers de ma veste, je traîne la patte.

AJMS & Stefan Zweig
Quelques pas de plus  et mon sort est bon pour un passage éclair chez le libraire Gibert Joseph. Il est où l'étage de Zweig ? Malgré ma détermination programmée du matin, je ne résiste pas et flâne d'un demi étage l'autre (oui, ça existe !)... Mais non, je n'achèterai rien de plus. Je finis par trouver le rayon des livres de poche. La lettre Z est tout en bas du mur étagère... Bien sûr.
Marie-Antoinette, lu ; 24h de la vie d'une femme, lu, adoré et relu ; Fouché ? Non. Plus tard.
J’ai trouvé : ce sera Le monde d’hier ! Pitch de la 4ème de couv. : "Le monde d’hier" raconte une perte : celle d’un monde de sécurité et de stabilités apparentes, où chaque chose avait sa place dans un ordre culturel, politique et social qui nourrissait l’illusion de l’éternité (...)"
Stéfan si tu savais... Dans le fond, nous sommes raccord avec ton époque.
Il est temps à présent de rentrer chez moi.
*****
Rappel : Homos ou hétéros, le VIH nous concerne tous !
Si vous croisez un trio muni de tirelires et de poches pleines de préservatifs, n’oubliez pas de donner… Les sommes collectées pour le Sidaction sont reversées à 50 % à des programmes de recherche et à 50 % à des programmes associatifs de prise en charge et d'aide aux malades. Malgré les alertes dans les médias, il y a un regain de l’épidémie de VIH. Le Sida se traite mais ne se guérit pas.

Les bénévoles du #Sidaction2017 se mobilisent toute l'année. Vous pouvez également faire un don en allant sur leur site : https://don.sidaction.org/








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