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Comme un pied de nez international à tous les homophobes…

Il me paraît nécessaire de faire l'état de ce qui compose la diversité de l’humanité. A savoir, des hommes, des femmes, qui se définissent comme tels et évoluent dans notre société très “hétéro normée” ; ou, au contraire, des personnes qui ne se définissent pas du tout ainsi. Ces personnes empêchées qui, sur tous les continents, sont stigmatisés, rejetés, emprisonnés, torturés et même tués ; parce que leur genre, leur apparence, leur orientation sexuelle, leur mode de vie, ne répond pas à la majorité des humains qui peuplent notre planète. Il s’agit de la population LGBTQI ( Lesbienne, Gay, Bisexuel, Transgenre, Questionnement et Intersexe).

Et pour donner une définition rapide de ce qu’est l’homophobie : le terme “homoios” en grec signifie “identique” et “phobos”, la peur. Et oui..., c’est “la peur de ce qui est semblable” !
Quant à la transphobie : “Trans”, c'est ce qui traverse. Transgresser (du latin transgredi) signifie passer outre les limites imposées par un ordre, une loi, des règles.

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Que cherchent à savoir les parents lorsque leur enfant paraît : “C’est une fille ou c’est un garçon ?”. Dans la plupart des cas, le genre de l’enfant sera en adéquation avec son sexe apparent, celui qui toute sa vie sera inscrit sur son acte d’état civil. Et pour parler comme les spécialistes, quand tout correspond : on dit que l’enfant est cisgenre. Je suis cisgenre...
En France, quand le nouveau-né présente une ambiguïté au niveau génital cette ambivalence est vite recadrée. Les médecins vont définir ce nouveau-né : ils “l’assigneront fille” ou “l’assigneront garçon”. Ainsi les parents pourront habiller, éduquer leur enfant comme une fille ou comme un garçon.

Et puis, lorsque cet enfant paraît, il y aura aussi nos enfants qui en grandissant vont découvrir que leur orientation sexuelle ne correspond pas à la majorité qui les entoure. Soit ils ressentent des émois, des sentiments pour un ou une amie du même sexe, soit parce que - même s’ils ont les caractéristiques cisgenre de leur état civil - ils savent en leur for intérieur qu’ils ne sont pas ce qu’on leur a inculqué jusqu’alors. Tous ont bien un papa, une maman, des frères et sœurs parfois... Sauf que malgré eux, ils réaliseront, péniblement, douloureusement qu’ils ne répondront jamais à l’image d’Epinal que leurs proches, la publicité, les médias, les livres, bref, la société leur a gentiment mais fermement imposé jusqu'alors. Ils sont différents.
Ce qu’ils perçoivent très tôt, c’est que cette différence parait bien dangereuse et relève sûrement d’un problème qu’ils ont intérêt à enfouir en eux, pensent-ils... Les sentiments qui vont prédominer seront d’abord la honte, la crainte, la peur de ne pas être comme tout le monde, de ne pas être aimé par leurs parents. Je vous livre le témoignage extrait d’un article dans le Huffington post[1] ou James a décidé “d'entrer dans le placard”. (C’est l’expression consacré).  Il avait 10 ans et ses parents l'avaient emmené en vacances. "(...)Je regardais ma propre famille, ces enfants qui couraient partout et je me suis dit "je ne pourrai jamais avoir tout ça", et je me suis mis à pleurer."

Une étude de 2012 menée par un chercheur québécois [2]et une psychologue de l’association Le Refuge démontre que les jeunes découvrent leur homosexualité plus tôt mais la dévoilent plus tard. A cause de la précarité de l’emploi, on reste chez ses parents plus longtemps, mais surtout “par précaution face au risque de mettre en péril ce soutien accordé par leurs parents”. Bien que nous soyons en 2017, ces jeunes anticipent le pire même si, heureusement, ce n’est pas toujours ce qui arrive ; mais ça va générer des comportements spécifiques.

QUE DIT LA LOI FRANÇAISE ?
La France est le 1er pays à dépénaliser l’homosexualité en 1791. C'est sous le régime de Pétain que l'homosexualité refait son apparition dans le domaine du droit. Le 6 août 1942, l'article 334 prévoit l'emprisonnement de ceux qui auront “corrompus la jeunesse en-dessous de 21 ans, par des actes impudiques ou contre nature”.

Le 27 juillet 1982, l’Assemblée nationale dépénalise l’homosexualité et met fin à la loi discriminatoire héritée de Vichy.

Le 12 février 2013, l'Assemblée nationale vote en faveur de la loi ouvrant le mariage pour tous (ce qui permettra les droits de succession, la pension de réversion pour les couples, etc.)
Depuis, le ministère est engagé dans la lutte contre les discriminations dont celles commises en raison de l'orientation ou de l'identité sexuelle.

Et pour en revenir à la plus ancienne des lois françaises, les articles du code civil relatifs au mariage (hétérosexuels) stipulent :
Art 371-1 L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.”

Les parents devraient être le premier rempart contre l’homophobie ! Or c’est loin d’être le cas.

L’HOMOPHOBIE EN FRANCE
En France, l’homosexualité a longtemps été considérée comme une maladie mentale qui menait à des internements psychiatriques, forcés, décidés par les familles, les médecins. Malgré la loi de 1982, l’homosexualité va rester une pathologie diagnostiquée “trouble sexuel ego-dystonique” jusqu’en 1992. Les médecins s’appuyaient sur la classification internationale des maladies de l’OMS.

Selon l’INSEE, en 2011, 205 000 personnes majeures sont en couple avec une personne de même sexe. On dit, sans possibilité de vérifier, que la communauté homosexuelle oscille entre 5 et 7% de la population française. Pour ma part, je le traduis différemment. Notre société est tellement normative, cadrée pour les hétérosexuels qui sont largement majoritaires, que les homosexuels (surtout) garçons ne s’autorisent pas à dévoiler ce qu'ils sont tant ils ont peur d'être stigmatisés et rejetés. Ils vont jusqu’à vivre en couples hétérosexuels, avoir des enfants, pour maintenir les apparences le plus longtemps possible. Ils peuvent toutes leurs vies rester dans cet enfermement. C’est cela aussi s'enfermer dans le placard”. 
Quant aux personnes trans, il est très difficile d’en trouver le nombre. Les derniers chiffres sont ceux d'un rapport de la Haute autorité de santé, datant de 2009, qui situe leur part dans la population entre une personne sur 10 000 et une personne sur 50 000. Selon Laura Leprince, membre fondateur de l'association Inter-Trans', “on compte près de 15 000 trans en France actuellement.
Actuellement, les personnes qui désirent changer de sexe et de prénom doivent justifier de leur identité de genre devant la justice et avoir subi une opération stérilisante. Le changement d’état civil, pour les personnes qui le souhaitent, ça veut dire : l’accès à la santé, à l'emploi, au logement, la fin d’un certain nombre de discriminations administratives. Je vous laisse imaginer... Pour les transsexuels, entre la prise de conscience, la transition, l’obtention d'un nouvel état civil, plus la stérilisation, le processus est long et douloureux : entre 3 et 9 ans.

On ne le dira jamais assez : l’homosexualité n'est pas un choix, la transsexualité n'est pas un choix. C’est un état. Subi d’abord, et puisqu’il faut vivre avec, autant essayer d'en faire quelque chose d’heureux. Mais vu que les clichés perdurent, ... les discriminations aussi.
Et c'est ainsi que le parcours du combattant LGBTQI commence !

L’HOMOPHOBIE SE PASSE OÙ ET COMMENT ?
Au sein de la famille, à l’école, au travail, il existe ce que j’appelle “le comportement du majoritaire”. Nous, jeunes ou vieux, nous n’avons pas conscience d’agir dans un milieu où nous sommes si nombreux. Au petit garçon qui grandit nous allons lui demander s'il a des amoureuses, et plus tard des copines. Avec des collègues, un peu énervés lors d’une discussion, quelqu’un va traiter un autre (qu’il n’aime pas) de pédé. Et tout le monde pourra rire grassement. Sans s’émouvoir de savoir si on humilie un collègue qui a un enfant homosexuel, des oncles, cousines, des amies, qui sont en questionnement LGBT.

L’homophobie peut donc être familiale, religieuse, sociale et même intériorisée
Karine Espineira qui a été assignée garçon à sa naissance en 1967 à Santiago du Chili, est sociologue et chercheuse à l'Université de Nice-Sophia-Antipolis. Elle dit :”Dans les sociétés occidentales, on fonctionne sur le modèle traditionnel d'une différence du genre binaire : il y a les hommes, les femmes, et rien d'autre. En une ou deux générations, le grand public voit arriver des personnes trans, qui leur disent qu’il n’y a peut-être pas que des hommes et des femmes au sens biologique du terme. C'est une révolution qui doit se faire dans les esprits. Les personnes trans fascinent autant qu'elles effraient, quelque part, elles démontrent par leur existence quelque chose que beaucoup de gens pensaient indémontrable”.

Pour un homosexuel, dévoiler son orientation amoureuse ne va pas de soi non plus. Ils n’acceptent pas ce qu'ils sont, rejettent violemment leur sexualité ; ce sont ceux-là qui ont le plus de conduite à risque : scarification, suicide, drogue, addictions de toutes natures. “Cette homophobie intériorisée est bien souvent à l’origine du taux de suicide 7 à 13 fois plus élevé parmi la population homosexuelle.”, explique Frédéric Gal, directeur général du Refuge[3]. Les associations LGBTQI accueillent de plus en plus d’homosexuels français qui sont exclus par leurs proches, et aussi des étrangers qui fuient leur pays et leur famille, sous l’emprise de dogmes politiques et religieux extrêmes.

QUE SE PASSE-T-IL AILLEURS POUR LES HOMOSEXUELS ?
Nigeria, Soudan, Iran : peine de mort
Inde, Kenya, Guyana (ancienne Guyane britannique) : emprisonnement de + de 10ans
Maroc, Algérie, Koweït : emprisonnement de - de 10ans
Au Brésil, il y a eu 106 transgenres assassinés en 2016 (les églises évangéliques et catholiques sont les plus discriminantes dans ce pays). 
(Sources : International lesbian, gay, bisexuel, trans and intersex association, Amnesty International)

ET EN EUROPE ?
Récemment, aux Pays-Bas, deux hommes qui marchaient en se tenant par la main se sont fait lyncher par 5 assaillants de 15 à 16 ans.
En Russie, de nombreux religieux et thérapeutes proposent des traitements contre l'homosexualité par l’eau bénite, la prière et l’hypnose. 
La Tchétchénie a ouvert un camp de concentration pour les homosexuels, ils sont torturés à l’électricité et battus à mort. Le président Razman Kadyrov aurait ordonné la répression.
Officiellement son régime a nié les arrestations en affirmant “qu’il est impossible de les persécuter parce que les gays n’existent pas en Tchétchénie”. Selon un député britannique, la Tchétchénie compte éliminer tous les homosexuels du pays d’ici le début du Ramadan, le 26 mai 2017. (Depuis les journalistes de la Novaïa Gazeta ont peur pour leur vie après leur révélation sur cette extermination. (Cf. Courrier international).

J'ai énoncé la loi française ; certes, on pourrait dire qu’il n’y a pas d'homophobie ou transphobie d’Etat en France. Sauf que la Cour Européenne Des droits de l’Homme vient de condamner la France qui oblige encore les transgenres à subir cette intervention stérilisante avant d’obtenir leur changement de sexe. C'est une violation du droit au respect de la vie privée.

J’ajoute pour être honnête : la France a encore vécu le drame d’un crime terroriste sur la personne du policier Xavier Jugelé ; dès que des homophobes de tous bords ont appris son homosexualité, ils se sont déchaînés contre lui via les réseaux sociaux, avec des propos ignobles ; et bien le Parquet de Paris, saisi par le ministère de l'Intérieur, a ouvert très vite une enquête.

L'HOMOPHOBIE CONSISTE EN QUOI ? En la négation de l'existence de l'autre
Les conséquences de cette violence sociétale sont les conduites à risques de la population LGBTQI en questionnement et qui ne sait pas toujours vers qui aller, vers quel service social, pour quel type d’écoute ? (je pense aussi au secteur rural ou la solitude des homosexuels est avérée).
C’est le phénomène du “stress minoritaire”, amplifié par le fait que leur statut est caché. Très tôt, les homosexuels vont développer une attitude prudente. Même si la personne gay ou trans a un cursus exemplaire, des amis, une famille qui a fini par s’y faire, elle sait qu’un jour, un soir, elle sera peut-être moquée, humiliée, agressée, pour ne pas dire plus. Avec cette homophobie latente, la population LGBTQI s’est conditionnée à anticiper le rejet.

Selon John Pachankis, chercheur sur le stress à Yale, le plus gros des dommages se produit dans les cinq années environ qui s'écoulent entre la découverte de son homosexualité et le moment où l'on commence à en parler aux autres. Au sein des associations d’accueil, de soins ou d’accompagnement LGBTQI, encourager les homosexuels à poser ces questions ouvertement est long. Parfois c’est insurmontable ; ils ne supportent pas leur orientation. Certains dévoilent ce qu’ils sont très tard. Quand leur parent ne sont plus de ce monde, par exemple. D’autres ne le feront jamais. Durant des années, ils vont adopter une attitude de silence, d’évitement, de parade familiale, se marier, avoir des enfants. En gardant en eux leur secret et en ayant une double vie.

Les jeunes suivis par le Refuge, par exemple, ont des addictions, la prostitution fait partie de leur conduites à risque, comme la scarification, la dépression, jusqu’aux tentatives de suicide. Voici le témoignage d’une jeune fille, que l’on va appeler Claire “... Je dois supporter le mépris et la colère de mes parents le weekend. Seule, toute seule. Je me déteste, c’est de ma faute, j’avais juste à être normale et tout se serait bien passé”.

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Nous ne sommes peut-être pas homophobes mais nous avons tous eu des comportements inadéquats, blessants, et pas toujours très bienveillants… Les associations le vérifient souvent lors des interventions en milieu scolaire (IMS) qu’elles proposent. Je vous livre quelques affirmations entendues récemment de la bouche de lycéens toulousains : “C’est quoi cette formation, on n’est pas des pédés, nous”. “Les pédés ont le sang rose”, “Je ne veux pas qu’un pédé me touche, je voudrais pas qu'il me donne le sida”. “Si j’ai une fille gouine, je la fous dehors”. 

Le 17 mai est la date de la Journée mondiale contre l'homophobie et la transphobie. Il y aura donc une Gay Pride à Toulouse et en France. Tous les homos et trans n’iront pas. Ce n’est pas une obligation, ni une règle. Il y aura aussi des hétéros qui seront présents pour le partage, pour la fête, pour donner l’exemple, au nom de la tolérance et de la solidarité.
Allez ! Qui n’a pas levé les yeux au ciel en s'agaçant de ce défilé ponctué de certaines outrances, c'est vrai ? Sans imaginer à quel point, pour celles et ceux qui ont dévoilé leur homosexualité depuis peu : oser défiler, se tenir par la main dans la rue, s’embrasser ouvertement, c’est un incroyable sentiment de liberté qui n'existe pas les autres jours de l'année, même en France !

Récemment des chercheurs ont annoncé que  Les amants de Pompéi, ces deux corps momifiées, victimes de l'éruption du Vésuve, seraient deux jeunes hommes...
Tout de même, c'est quelque chose ! Depuis plus de vingt siècles, leur étreinte résiste à l'épreuve du temps. Comme un pied de nez international à tous les homophobes.


[1] L’épidémie de la solitude gay, récit de Michael Hobbe, Huffington Post

[2] Etre homo aujourd’hui en France, par Michel Dorais et Isabelle Chollet, éd. H&O, 2012

[3] Le travail social auprès des victimes d’homophobie, Frédéric Gal, ASH

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